Picasso, Klee, Miro, Dubuffet...

Une inscription spontanée ou un dessin tracé sur un support non autorisé et non prévu à cet effet, dans la sphère publique ou privée. Tel est le premier sens du mot graffiti, dérivé du latin graphium (style, poinçon pour écrire sur la cire) qui tire son étymologie du grec graphein (qui signifie indifféremment écrire, dessiner ou peindre). Dans la langue française, le mot vient de l'italien graffito et apparaît pour la première fois en 1856 dans le livre « Graffiti de Pompéi, inscriptions et gravures tracées au stylet » de Raphaël Garucci. L’auteur relève les mots, phrases et dessins retrouvés à Pompéi, où l’on peut aujourd’hui encore lire des graffiti âgés de deux millénaires.

Pour l'anecdote, Picasso, Klee, Miro, Dubuffet et d’autres peintres ont aussi fait des graffiti sur les murs. Dans ses extraits de Conversations avec Brassaï publiées par Gallimard en 1964, Picasso raconte qu’il en a laissé de nombreux du côté de la butte Montmartre. Il rapporte aussi un fait amusant, un jour à Paris, alors qu’il attendait dans une banque en rénovation : « entre les échafaudages, sur un pan de mur condamné, j’ai fait un graffiti. Les travaux achevés, il disparut. Quelques années après, à la faveur de je ne sais quel nouveau remaniement, mon graffiti est réapparu. On l’a trouvé très curieux et on a appris, Dieu sait comment, qu’il était de… Picasso ! Le directeur de la banque l’a fait découper comme une fresque avec tout le mur autour et l’a fait incruster dans un mur de son appartement. » Dans ces mêmes Conversations, Picasso s’enthousiasme pour le travail de Brassaï et l’encourage à poursuivre : « Vous avez eu vraiment une très heureuse idée de constituer cette collection, car sans la photo le graffiti existe, mais comme s’il n’existait pas. Sans la photo, ils seraient voués à la destruction. »

Jacques Prévert aussi était un grand amateur de graffiti. Dès 1946, il utilise un cliché de Brassaï pour la couverture de son recueil de poèmes « Paroles ». Il choisit une photographie représentant un mur avec des inscriptions et des petits personnages gravés dans la pierre. En 1959, pour l’édition en livre de poche de « Spectacle », il utilise à nouveau un graffiti, qu’il complète avec des petits dessins de sa main. Il en emprunte encore un en 1955, pour « La pluie et le beau temps », avec un diable sur la couverture et un bonhomme formé par des trous et des traits au dos du livre. C’est encore le cas avec « Histoires » où, sur une image de Brassaï avec des cœurs et des initiales, il pose un de ses collages.