Le problème, c’est qu’à force de chercher des chats jaunes dans les rues de Nantes et de Paris, on finit par entrer dans un drôle d’univers : celui des murs ! On découvre alors qu’il s’y passe plein de choses, qu’il y a là de multiples pratiques artistiques, illégales et interdites mais libres et gratuites. On y voit des peintures, des graffs, des tags, des affiches, des pochoirs, des gravures, des mosaïques, des messages poétiques, politiques, philosophiques ou ludiques…
La capitale en est si riche que l’on peut y faire ses premiers pas dans ce monde, celui du graffiti et du street art. Et c’est comme ça que l’on tombe dans le panneau ! Dès lors, on ne peut plus s’empêcher de poser les yeux sur les murs, de les scruter et de reconsidérer l’espace public qui, soudain, n’est plus le même. Transformé par ce vaste champ d’art qui attire le regard, par cette culture visuelle et ses empreintes éphémères, le territoire urbain devient comme un musée en plein air, bouillonnant de vie et d’énergie.
Cela peut laisser de marbre, ou interpeller. Alors la curiosité pousse à faire des recherches sur cette culture punie par la loi, qui joue cependant un rôle novateur dans le paysage des villes. Donnée à la rue, offerte aux passants, accessible à tous, elle invite à faire l’expérience de l’art ailleurs que dans un musée ou une galerie. Elle propose l’inattendu au coin d’une rue, provoque la surprise, suscite des réflexions et des émotions, se fait révélatrice de talents.
C’est surtout vrai pour l’art urbain et pour les fresques réalisées par des graffeurs, qui laissent parfois bouche bée. Ca l’est moins pour les tags et les graffs qui envahissent les villes à la sauvette, assimilés au vandalisme et mal aimés du grand public. Cela n’empêche pas qu’un peu partout dans le monde, marqueurs, bombes aérosols, peintures, collages, pochoirs, autocollants… se côtoient sur les murs, les gouttières, les palissades, les panneaux d’affichage, le mobilier urbain, sur le pavé et sur les toits.
C’est ce que l’on voit en se promenant dans des capitales européennes : Paris, Bruxelles, Amsterdam, Londres, Berlin… accueillent sur leurs murs des trésors sans prix. C’est ce que l’on découvre aussi dans des livres sur l’histoire du graffiti, en regardant des films et des vidéos, en feuilletant des articles de presse et des revues, en parcourant des blogs spécialisés, des sites d’artistes et de graffeurs. On peut passer des heures à regarder des photos sur internet !
On mesure alors l’étendue du phénomène, sa diversité et sa complexité. On tente d’y voir plus clair, de comprendre les pratiques, de différencier la démarche des affichistes, des peintres et plasticiens de celle des graffeurs. On n’y connaît rien, on avance à tâtons, en se posant mille questions. On cherche, on approfondit, on entend parler de New York, des murs peints par des portoricains ou des sud-américains dans les années 20, de gangs qui marquaient leur territoire de leurs noms, du métro pris d’assaut par des tagueurs à la fin des années 60.
On constate que Paris n’était pas en reste à la même époque et que des artistes ont quitté leur atelier pour exposer dans la rue. On apprend qu’ils ont pour nom Gérard Zlotykamien et Ernest-Pignon-Ernest, et qu’ils n’ont pas attendu mai 68 pour donner la parole aux murs. Sans autorisation, en toute illégalité, ces précurseurs ont lancé l’art urbain, mouvement artistique autonome qui se démarque des tags et du graffiti.