Philippe Chevrinais

Philippe Chevrinais, qui vit à Trentemoult, est dans une autre démarche artistique. Depuis 2004, cet ancien des Beaux-Arts fait partie des rares plasticiens en France à investir l’espace public en pratiquant ce que l’on appelle le « reverse graffiti » (« graffiti soustractif ») ou le « clean graffiti ». En toute simplicité autour d’un café, il explique cette technique vieille comme le monde : il s’agit d’enlever la saleté sur les murs ou autres surfaces, comme on dessine un bonhomme sur la vitre sale d’une voiture. Là, Philippe Chevrinais soumet un pochoir au karcher pour faire apparaître un personnage ou un motif sur le mur. Le contraste entre les parties propres et les parties sales en trace le contour. Cette technique murale inédite, mais de plus en plus utilisée par la publicité et la communication politique, procède donc par enlèvement plutôt que par ajout. Elle trouve sa pertinence sur tout mur altéré par le temps, entre lichens, mousse et pollution. Dans le quartier des Olivettes et sur des maisons de Trentemoult, certains conservent aujourd’hui encore ces pochoirs, entre fleurs, oiseaux, squelettes, serpent des mers, personnages, scène de mariage, parties de football…

 

"Depuis 2004, mon travail de création s'est resserré autour d’expérimentations sur l’espace public, avec comme support privilégié l’habitat collectif.

Je conçois et expérimente notamment des projets de papiers peints extérieurs et des projets de nettoyages partiels de murs d’habitations, le plus souvent coopératifs.

Ces techniques d’ajout ou d’enlèvement par touches sont, pour moi, une façon de pratiquer la peinture avec ses préoccupations picturales propres, mais transposée à des échelles et dans des contextes lui donnant des dimensions supplémentaires qui m’intéressent et nourrissent ma démarche : les supports qui ne sont pas des pages blanches mais ont une histoire, en continuité de laquelle je vais tenter de me situer, et que je vais à ma manière questionner, les limites et formes particulières de ces supports avec lesquels je vais devoir composer, jouer, l'interactivité sociale dont je vais accepter qu’elle colore mon travail, l'aspect pédagogique indirect, l'incidence urbaine, voire politique, au sens large du terme.

Pour ce faire, j’ai fondé une entité à géométrie variable, « Artitillerie Travaux Publics », qui développe des projets de création participatifs sur l'espace public, balayant un champ allant du ravalement de façade subjectif aux marquages routiers d’urgence (bien que non-conventionnels) en passant par la signal-éthique poé-litique, le papier-peint extérieur fait-main (dans la main), et toutes autres interventions poético-concrètes, susceptibles de tapages diurnes, partout où cela est nécessaire.

Car il est nécessaire que parlent nos peaux que sont les murs, que se révèle à lui-même notre corps qu’est la ville, qu’échangent et se signalent nos présences vivantes singulières au delà de l’uniformité faisant loi".

Philippe Chevrinais