Des brasseries de La Meuse au quai de Loire, en passant par les friches, Persu est partout ! Chaque année, il laisse une grande quantité de graffs sur son passage. Il revient ici sur son parcours, d'Auxerres à Nantes.
"Je viens de la ville fantôme Auxerre, son club de foot, ses discothèques à crétins, sa cathédrale… J'ai découvert le graffiti quand j'y habitais, en lisant “Métal Hurlant”, un magazine de BD à l'esprit bien Rock'n'Roll. Un article intitulé "La nuit des Murs Vivants" parlait de Bando, Mode2, des BBC et du fameux terrain de Stalingrad à Paris.
J'aimais le rap et j'ai pris une claque irréversible quand j'ai vu les Suprême NTM en invités musicaux dans la première émission des Nuls, judicieusement intitulée "Les Nuls : L'emission". Tout ça remonte à 1990-1991. J'aimais le Hip-Hop, mon père m'a élevé au Jazz et mon grand frère m'a appris le Rock. Voilà pourquoi au bout de 21 ans, je suis à fond un fan ? de Country Music.
Comme j'ai toujours aimé faire des acrobaties et dessiner même si je n'avais pas forcément d'idées, je me suis dit qu'escalader des murs pour aller peindre des lettres, ça me convenait bien. Etant un rebelle dans l'âme, je me suis volontairement mis en marge de la société, et donc ça m'a apporté pas mal de frustrations et de questions existentielles comme : "pourquoi des nazes ont de la tune et pas les gens biens ?”, "pourquoi les filles préfèrent les crétins ?", "pourquoi les gens me regardent bizarrement et me jugent alors que je me contente de faire ce que j'aime sans rien demander à personne" ? Etc. Donc pour me venger, je me suis imposé à leurs yeux sans payer le droit de propriété. D'où les tags et graffiti illégaux. Ca les embête vraiment et ils sont désarmés vu qu'ils n'arrivent pas à comprendre qui, pourquoi et comment. A côté de ça, j'aimais aussi bien passer du temps à faire des beaux dessins. Donc je faisais des graffs un peu plus élaborés sur des murs légaux, avec les copains, de la musique et des bières.
Auxerre c'est nul, alors j’ai pas mal voyagé, j’ai fait des rencontres, je me suis fait un nom. Après moult serrages et accidents (rues, trains, tunnels, métros, toits, chutes, coup de jus sur les rails, frayeurs sur les voies avec les passages tout près des trains etc), j'ai accumulé 16 000 euros d'amendes. Je me suis retrouvé avec un casier judiciaire et un sursis. J’ai quand même continué mes bêtises, parce que ça me plaisait et que j'en avais besoin, mais j’ai ralenti. Je n’avais pas envie de me retrouver avec une peine de prison ferme.
Au fil des années, j'ai rencontré plein de graffeurs et de non-graffeurs qui sont devenus des proches. Je suis rentré dans plusieurs crews, comme OCT (“On Court Toujours”) en Bourgogne, c’est ma seconde famille. Je suis aussi membre de MOKER, d’ODV (“Occasion D'être Vu”) formé à Paris, d’IBS (“Inglorious Bars Stars”), qui sont tous des potes avec qui je passe de supers moments.
Après six années à Paris, je suis désormais Nantais depuis 2007. Les rencontres que j'y ai faites ont profondément changé ma façon d'envisager le graff. Ma schizophrénie a repris le dessus : ne réussissant pas à fusionner tous les styles qui me plaisent pour n’en faire un seul, j'ai adopté plusieurs blazes et plusieurs personnalités afin de les pratiquer tous ! Je suis donc plusieurs graffeurs à la fois, et les différents blazes ne sont même pas dans les mêmes crews.
Je fais également maintenant partie du collectif 100 Pression, sous le nom d'artiste Francis Persu, ce qui me permet encore plus d'élargir ma vision du graffiti grâce à de nouvelles pratiques auxquelles je n'avais pas encore touché, comme l'illustration, l'infographie, la sérigraphie, les expositions, les conférences, le collage, le pochoir, et même l'administration, domaines dans lesquels je suis encore plus ou moins novice. Bref, quand je vois tout ce qui me reste à accomplir, dont me mettre au tatouage, je me dis que je suis pas couché !"
Persu