Camo

Camo, l’une des rares filles dans cet univers très masculin, excelle aussi dans cet univers mixte. Depuis des années, son graffiti attire l’œil. S’il semble basique et enfantin au premier abord, il n’en est rien, c’est bien plus malin ! La (fausse) simplicité de ses dessins peut s’inscrire dans un genre dont on apprend qu’il se nomme « ignorant » et qu’il est né en réaction aux styles compliqués, les lettrages incompréhensibles que l’on a souvent du mal à déchiffrer.

Derrière, se cache en réalité une technique précise et une grande liberté des formes. C’est ce qui plait et séduit, la forte personnalité de Camo aussi. Inclassable, « elle fait du Camo ! » disent ses copains. Reconnue et respectée par de nombreux graffeurs de toute la France, Camo est membre de plusieurs crews (BR, GPL, 8U, FAV) et n’a pas de leçon à recevoir dans le maniement des bombes et des pinceaux. Lorsqu’on la rencontre, on mesure qu’elle fait pleinement partie de l’histoire du graffiti nantais, qu’elle a connu la première génération, suivi l’évolution et participé à de nombreuses peintures au sein de plusieurs crews. Avec générosité, elle donne des clés et permet d’accéder un peu plus à l’univers des graffeurs, Aise en particulier avec qui elle peint et signe notamment une série de "game-over".

 

"J'ai débuté le graffiti en 2003, ça fait donc plus de dix ans que je peins. Dix ans, c'est un peu l'âge mental de mes graffs ! J'ai commencé par faire de franches dégoulinades : peindre de façon instinctive, comme les copains du Traktor à l'époque, fut un véritable défouloir, pas la peine d'être propre! J'aime ce qui est enfantin, consanguin, plein d'entrain (rimes=poésie), je me soucie peu de ce que les gens en pensent, même si je vois bien que je suis toujours une des premières à être repassée ! Mon style ne doit pas être assez “sérieux" aux yeux de certains, mais ça ne m'empêche pas de continuer, il en faut pour tous les goûts ! 

Depuis que j'ai rencontré Aise, on fait des collaborations ensemble (dans le bon sens du terme), malgré nos styles totalement opposés : lui s'illustre dans le "classique-wild style" et moi dans "l'ignorant". On se complète plutôt bien : Aise a tendance à travailler un peu plus les lettres et les effets, et moi davantage les remplissages et les contours. Ca nous change nos façons respectives de graffer mais c'est intéressant car on développe d'autres techniques, d'autres styles qu'on n’aurait sûrement jamais testés chacun de notre côté. Ca nous ouvre de nouvelles perspectives, comme quoi à deux c'est mieux !

J'aime le graffiti, même s’il a tendance à être misogyne et rébarbatif. Je ne lis jamais les magazines, pour moi c'est toujours les mêmes styles qui se répètent, les mêmes "stars du graffiti". Je préfère voyager par moi-même et voir ce qui se fait ailleurs. Tous ces séjours à droite et à gauche m'ont permis de rencontrer de nombreux graffeurs et graffeuses, avec des styles bien différents, de découvrir de nouvelles façons de peindre et de ne pas me lasser d'être toujours sur les mêmes murs.

Quoi qu'il en soit, le graffiti fait partie de ma vie désormais, que je le veuille ou non. J'ai une belle brochette de bons copains dans ce milieu ainsi que cinq enfants de cœur : Poussin, Lapin, Canard, Chaton et Quenelle Richie. Ce qui montre que, malgré toutes les chamailleries qui peuvent exister dans le graff, il y a quand même beaucoup d'amour !"

Camo