Monsieur chat

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Les histoires de murs sont parfois le fruit du hasard. Un beau jour de 1999, ou plutôt une nuit, un gros chat jaune, au sourire aussi énigmatique que celui d’Alice au Pays des Merveilles, s’est posé sur les murs et sur les toits de Nantes. “Le mystère persiste sur la ville. Plein de chats partout “, écrivent des internautes tandis que des photos circulent sur des sites et sur des blogs. Après la surprise de la découverte, les questions fusent : d’où vient ce drôle de chat perché ? Qui l’a peint ? Combien y’en a t-il ? Où ?

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Mais qu’est ce que c’est que cette histoire ? Des passants surpris s’interrogent, des photographes marchent le nez en l’air et scrutent les toits. En tout, plus de quinze chats jaunes se promènent en ville et suscitent des commentaires. Pour certains, il est l’oeuvre d’étudiants des Beaux-Arts. Pour d’autres, non pas du tout, seuls des acrobates du cirque peuvent s’aventurer si haut sur les toits. Il se dit aussi que ce sont des jeunes filles qui ont peint ce chat à l’acrylique. La rumeur enfle, bientôt renforcée par une présence dans d’autres villes. Le chat est vu à Orléans, Rennes, Tours, Blois, La Rochelle, l’Ile de Ré, Saint-Etienne… puis à Paris.

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Pendant près de dix ans, le créateur de “Mystère Chat” se cache et reste inconnu. Jusqu’en 2007. Une nuit de mars, en flagrant délit sur un toit, un jeune homme de 30 ans se laisse attraper par la police municipale d’Orléans. La nouvelle est annoncée sur le site de photos Flickr par un certain “Alice Chester”. Un contact téléphonique est pris. Au bout du combiné, il y a Thoma Vuille qui se prête au jeu des questions-réponses pour le journal régional Presse-Océan. Cet ancien étudiant des Beaux-Arts explique alors qu’il anime des ateliers d’arts plastiques dans la ville pour des enfants en difficulté et que c’est comme ça que tout a commencé : une petite fille a dessiné un chat qu’il a retravaillé et remodelé à sa façon, avant de le peindre partout à Orléans.

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A Nantes, deux seulement ont échappé au nettoyage. Rue du Chapeau-Rouge, le chat parachuté est toujours niché dans un coin sur un toit. Rue de l’Héronnière, les enfants de l’école primaire du Chêne d’Aron ont fait le nécessaire pour sa conservation. Intégré à l’établissement, le mur fait désormais partie du jardin pédagogique qui borde l’école. Après débat et discussion sur l’art et l’interdiction de peindre sur les murs, les élèves ont voté pour que M. Chat reste dans leur jardin. Depuis, il regarde pousser les plantes et fleurir les tomates !

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Le problème, c’est qu’à force de chercher des chats jaunes dans les rues de Nantes et de Paris, on finit par entrer dans un drôle d’univers : celui des murs ! On découvre alors qu’il s’y passe plein de choses, qu’il y a là de multiples pratiques artistiques, illégales et interdites mais libres et gratuites. On y voit des peintures, des graffs, des tags, des affiches, des pochoirs, des gravures, des mosaïques, des messages poétiques, politiques, philosophiques ou ludiques…

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En poursuivant l’exploration, on entend parler de graffeurs américains et européens qui ont débarqué dans la capitale dans les années 80 : les murs, les toits et le métro en ont pris un sacré coup ! On ne comprend rien à leurs noms bizarres, à leurs tags et graffs étranges, on essaye de démêler l’affaire. Et l’on mesure que depuis plus de 30 ans, un art pas comme les autres est né, initié par des graffeurs et par des artistes de rue, aujourd’hui étiquetés sous l’appellation “street art”.

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Lorsque M. Chat est arrivé à Nantes, impossible de le manquer, même sans lunettes ! Après l’avoir photographié sous toutes ses coutures l’année 2000, l’invitation à poursuivre l’aventure était tentante. Il n’était pas seul sur les murs !

Il y avait déjà des tags et des graffs partout, mais le ressenti personnel n’était pas le même que face à un collage ou à un pochoir : aucune émotion, aucune compréhension de ce monde si décrié, codé et fermé, comme volontairement inaccessible, réservé aux seuls initiés.

Plus visuel et ouvert au grand public, plus attractif, le street art a été une porte d’entrée, une première clé pour découvrir et essayer de comprendre le monde des murs qui parlent. Attention, cela peut très vite devenir une passion !