Graffeurs nantais

sarah, guilbaud, nantes, streetart, graffiti

A force d’étudier et de photographier des graffs, on finit par se familiariser avec cet univers, on déchiffre des noms, on identifie des signatures, on reconnaît peu à peu des styles et des peintures murales. Certaines éblouissent totalement. On se demande qui se cache derrière mais on n’ose pas aborder ni déranger les graffeurs aperçus ici et là, surtout sur le quai de la Loire ou à la Meuse. On passe de préférence aux heures où les lieux sont déserts. On sent que ce monde est à part, on se demande comment le comprendre, quelles sont les clés.

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Forcément, on finit par attraper Ador, on apprend à le connaître, on se fait expliquer des choses puis l’on assiste à des moments de peinture, on le regarde dessiner et rigoler avec ses copains. On rencontre son ami Sémor, avec qui il peint et travaille depuis huit ans. L’énergie est collective et joyeuse, l’ambiance toujours à la fête. Des personnages en mettent plein la vue, qui sortent d’abord d’un carnet de croquis puis apparaissent sur un mur. On regarde naître en direct ces créatures imaginaires, on les voit évoluer, changer de tête, de posture et d’humeurs, jusqu’à la signature finale.

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On pourrait rester des heures à observer son travail aux détails fournis et soignés. Sémor peut en effet passer tout un moment à peindre de petites choses qui complètent un ensemble. Accumulation d'objets, oiseaux en pagaille, animaux bizarres, personnages rigolos et décalés, tel est son univers qu'il partage régulièrement avec Ador. Si les deux sont inséparables et se complètent, chacun garde son style. Celui de Sémor est riche et puissant.

 

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On ne peut pas le manquer tant ses personnages sont énormes ! Korsé, graffeur depuis l'âge de 19 ans, s'est spécialisé dans les gros graffs ! Ainsi de ses animaux, qui occupent parfois un mur entier ! Baleines, singes, rats, dragons... sont au menu chez cet illustrateur, qui nous livre ici sa recette !

 

"Éplucher les crayons graphites, puis les faire revenir dans une poêle en papier 230 g / m2 avec de l’essence de térébenthine. Ajouter dans ce même contenant, une cuillerée à soupe de Magritte, trois pincées de dessin d’Escher, un sachet d’absurdité vanillé, puis mélanger le tout avec 50 Go de musique éclectique.

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D'un spot à un autre, on retrouve aussi Osmoz, membre du crew E2S. Entre deux lettrages, lui aussi peint surtout des personnages, en se laissant guider par son état d’esprit du jour et ses centres d’intérêt du moment. Dans son monde, il y a souvent des animaux rigolos, quelques messages et de drôles de têtes !

 

"D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours dessiné. C’est un moyen d’expression privilégié pour moi. Très jeune, j’esquissais tout ce qui me passait par la tête. Ca pouvait être ce qui m’entourait ou un état d’esprit du moment. J’étais plutôt introverti.

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D'un terrain à un autre, on découvre aussi le travail de Kazy. On s’aperçoit alors qu’ils sont nombreux à alterner les deux techniques, à composer personnages et écritures graphiques. Kazy est un bon exemple, qui peint aussi bien des lettrages que des illustrations. Dans son bestiaire, il y a des éléphants, des serpents, des pieuvres et surtout des chats, souvent masqués. L’énorme matou bleu apparu un jour aux brasseries de La Meuse a fait sensation dans le quartier. Des passants, des enfants et des habitants ont apprécié et largement commenté ! Au coeur de l'île de Nantes, celui peint sur le mur de Trempolino, lors du Voyage à Nantes, fait également sensation !

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Camo, l’une des rares filles dans cet univers très masculin, excelle aussi dans cet univers mixte. Depuis des années, son graffiti attire l’œil. S’il semble basique et enfantin au premier abord, il n’en est rien, c’est bien plus malin ! La (fausse) simplicité de ses dessins peut s’inscrire dans un genre dont on apprend qu’il se nomme « ignorant » et qu’il est né en réaction aux styles compliqués, les lettrages incompréhensibles que l’on a souvent du mal à déchiffrer.

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Grâce à Camo, on rencontre Aise, dont on a si souvent vu les personnages et les lettrages intrigants, sur les quais de Loire en particulier. L’accueil est chaleureux. Ce jour-là, les vaporisateurs sont de sortie, un gigantesque « Naoned » se forme en direct sur un mur de La Meuse. On découvre cette nouvelle technique lors de cette séance de graffiti à leurs côtés, un pur plaisir ! On note au passage que Aise fait partie de nombreux crews  (BAN, MOKER, C29, SM, BO, AC ) et qu'il graffe de longue date.

 

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En regardant les fresques prendre forme sur des murs, l’envers du décor s’ouvre peu à peu. On voit des graffeurs arriver sur un site à pied, à vélo ou en scooter, chargés d’un lourd sac à dos, toujours habillés de vêtements tachés par les couleurs. On découvre des coffres de voitures remplis de matériel, d’échelles, de pinceaux et de rouleaux, de pots de peinture, de bombes aérosols, de vaporisateurs, de canettes de bières et de bouteilles d’eau quand il fait trop chaud. On entend parler d’extincteurs et de « caps », les embouts des bombes aérosols. On assiste à la préparation du mur, d’abord enduit d’une simple peinture monochrome pour obtenir un fond, encadrer le graff à venir et en faire ressortir les tracés.

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Des brasseries de La Meuse au quai de Loire, en passant par les friches, Persu est partout ! Chaque année, il laisse une grande quantité de graffs sur son passage. Il revient ici sur son parcours, d'Auxerres à Nantes.

 

"Je viens de la ville fantôme Auxerre, son club de foot, ses discothèques à crétins, sa cathédrale… J'ai découvert le graffiti quand j'y habitais, en lisant “Métal Hurlant”, un magazine de BD à l'esprit bien Rock'n'Roll. Un article intitulé "La nuit des Murs Vivants" parlait de Bando, Mode2, des BBC et du fameux terrain de Stalingrad à Paris.